Théorie de la musique/Contrepoint I : fondements


     
Le contrepoint (du latin punctus contra punctum, note contre note) s'applique à l'écriture à plusieurs parties ; celle-ci comporte deux dimensions : une dimension mélodique ou horizontale (conduite des différentes voix) et une dimension harmonique ou verticale (accords résultant de leur superposition). Ces deux dimensions tiennent compte de la notion de consonance.
      Si la dimension verticale domine, on parlera d'
homophonie : une partie principale (généralement la partie supérieure) est accompagnée par des parties secondaires (en accords).
      Si la dimension horizontale domine, il s'agira de
polyphonie, c.-à-d. de plusieurs parties indépendantes sur le plan rythmique et mélodique.
      C'est dans la polyphonie vocale du XVI
e S. (LASSUS, PALESTRINA), que le contrepoint a trouvé sa meilleure expression.
      La norme classique est l'
écriture à 4 parties vocales (chœur).
      La notation s'effectuait autrefois à l'aide des trois clefs d'ut 1
er, 3e et 4e (soprano, alto, ténor), afin d'éviter les lignes supplémentaires ; notation moderne : clef de sol, clef de sol « ténor », clef de fa. Registres : l'alto se trouve une quinte au-dessous du soprano, la basse une quinte au-dessous du ténor. Les voix de femmes (ou d'enfants) sont à distance d'octave des voix d'hommes.
     
Intervalles : on distingue les consonances (du latin consonare : qui sonne avec) et les dissonances (du latin dissonare : qui ne sonne pas avec) :
      —
consonances parfaites, avec haut degré de fusion : unisson, octave et quinte ;
      —
consonances imparfaites, de caractère moins satisfaisant : tierce et sixte.
      —
dissonances, qui produisent une impression de frottement : quarte, seconde, septième, tous les intervalles augmentés et diminués.

     
Mouvement des parties : à 2 parties, il existe 3 mouvements possibles :
      —
mouvement direct : les deux parties montent ou descendent. La direction identique du mouvement peut restreindre l'indépendance des voix. Cas particulier : le mouvement parallèle (permis seulement avec tierces et sixtes) ;
      —
mouvement oblique : une partie est immobile, l'autre monte ou descend ;
      —
mouvement contraire : il favorise l'indépendance des parties et l'équilibre entre chacune des progressions.

     
Règles de progression. Les règles du contrepoint permettent d'assurer en même temps l'indépendance dans la marche de chaque partie et la correction sur le plan de l'harmonie (puisque la superposition de ces parties donne naissance à des accords). En ce sens, il existe des « bonnes » et des « mauvaises » progressions ; sont en principe « interdits », en raison du mauvais effet produit, les enchaînements suivants :
      —
les unissons, quintes et octaves consécutifs, qui restreignent l'indépendance des parties ;
      —
les unissons, quintes et octaves directs, c'est-à-dire amenés par mouvement direct ;
      —
l'octave succédant à l'unisson, et inversement ;
      —
les sauts par mouvement direct, surtout lorsque l'une des voix dépasse ainsi la position qu'occupait une autre ;
      —
les « fausses relations », c'est-à-dire les successions de deux sons à distance de demi-ton chromatique dans deux voix différentes (tolérées dans la même voix).

      Les règles du contrepoint figurent sous forme systématique dans des traités, qui font passer progressivement de l'écriture à deux voix aux formations les plus complexes. L'apprentissage se fait en superposant un contre-chant (contrepoint) librement inventé à un chant donné. FUX (1725) distingue plusieurs espèces de contrepoint :
      1.
Note contre note (1/1) seules les consonances sont permises.
      2.
Deux notes contre une (2/ 1) ; le temps fort doit être consonant, le temps faible peut être dissonant comme passage : le contrepoint doit atteindre et quitter la dissonance par mouvement conjoint, dans la même direction.
      3.
Quatre notes contre une (4/1) : même règle que n° 2 (le Ier et le 3e temps sont « forts », le 2e et le 4e sont « faibles »). La 3e noire peut aussi être dissonance de passage si la 2e et la 4e sont des consonances, — Le mouvement disjoint d'une consonance sur une autre est toujours possible. Il ne peut y avoir de mouvement disjoint à partir d'une dissonance que dans le cas de la « note échangée de Fux », la cambiata.
      4.
Syncopes : sur le temps fort tombe une dissonance préparée, qui, par mouvement conjoint descendant, se résoud en consonance sur le temps faible suivant :
      —
la septième, note dissonante supérieure, se résoud sur la sixte ;
      —
la seconde, note dissonante inférieure, se résoud sur la tierce ;
      —
la quarte, dissonance supérieure ou inférieure, se résoud par conséquent sur une tierce ou sur une quinte.
      5.
Fleuri : mélange des 4 autres espèces, avec usage sporadique de croches, presque toujours comme anticipation dans une clausule.


     
Théorie de la musique/Contrepoint II : formes


      Principales
structures, formes ou techniques de composition contrapuntiques :
      —
technique du cantus firmus : on ajoute successivement à un chant donné un certain nombre de parties ; le cantus firmus est généralement un fragment de plain-chant ou de chanson ;
      —
imitation libre : un motif important à l'une des voix est repris par les autres voix; ces passages « en imitation » alternent avec des sections « libres » (sans imitation);
      —
canon : imitation stricte, qui ne peut être interrompue et se poursuit jusqu'au bout;
      —
contrepoint double : l'expression signifie que, contrairement au contrepoint simple, les deux parties peuvent être inversées (la partie supérieure devenant inférieure, et vice versa) ; contrepoint double à l'octave : la partie supérieure est transposée à l'octave (ou à la double octave) grave, tandis que la partie inférieure est transposée à l'octave (ou à la double octave) aiguë ; tous les intervalles se trouvent renversés. — Lorsque le renversement s'applique à trois ou quatre parties, on parlera de contrepoint triple ou quadruple.
      Un exemple de
contrepoint quadruple à l'octave figure dans la fugue en fa mineur du 1er Livre du Clavier bien tempéré de BACH. Le sujet de la fugue apparaît d'abord au soprano, les contrepoints (contre-sujets) à l'alto, au ténor et à la basse (mes. 13). Puis, mes. 27, le sujet se trouve transposé deux octaves au-dessous, à la basse, tandis que les contre-sujets sont transposés à l'octave supérieure (soprano, alto et ténor).
      L'accord de sixte (mi2-do3-sol3-do4) du 2e temps de la mes. 13 devient à la mes. 27, par le renversement des intervalles, accord parfait à l'état fondamental (do2-mi2-do4-sol4). Ainsi, harmonie, degrés et fonctions sont inchangés.

     
Historique du contrepoint
      On ne peut parler de polyphonie véritable (et donc de contrepoint) que lorsqu'on est en présence de plusieurs voix relativement autonomes ; cela n'est pas le cas dans le chant en octaves parallèles, tel qu'il se rencontre naturellement dans le chant des femmes, des enfants et des hommes. — Les premières formes de polyphonie sont :

     —
L'hétérophonie : forme première de la polyphonie. Une mélodie est superposée à sa (ou ses) propre(s) variation(s).
     —
Le chant parallèle, pratiqué dans l'Antiquité et dans l'organum primitif du Moyen Âge. Une ou plusieurs voix sont superposées en quintes ou octaves parallèles à un plain-chant donné ; la position et le nombre des voix peuvent varier ; l'indépendance et le caractère propre des voix sont limités.
      —
La technique du bourdon médiéval : une basse sert de fondement à une voix donnée. Différents intervalles apparaissent ; la basse, cependant, n'est pas à proprement parler un contrepoint, mais plutôt une pédale.
     —
L'organum à vocalises du Moyen Âge la voix organale acquiert une certaine indépendance ; quoique de caractère improvisé, elle respecte les règles du contrepoint.
      Le concept de contrepoint n'apparaît qu'au XIV
e s. Les brefs traités de contrepoint définissent les consonances permises sur les points d'appui, entre lesquels on dispose d'une certaine liberté. Au XVe s., les dissonances font à leur tour l'objet de règles définies (syncope, note de passage, cambiata). Les règles de contrepoint strict s'appliquent à la composition (res facta), alors que l'improvisation d'une ou plusieurs voix sur un c.f. revêt un caractère plus libre (« chant sur le livre »). À l'opposé de la polyphonie classique des Pays-Bas se développa au XVIe s. un style libre, utilisant dissonances et chromatisme au service de la traduction expressive d'un texte, particulièrement dans le madrigal. D'autre part, une tendance à l'homophonie se fit jour, surtout dans la chanson profane.
      Ces deux courants sont à l'origine de la
monodie et de la basse continue, apparues à la fin du XVIe s. Mais le contrepoint rigoureux resta en usage comme stylus antiquus (ou « style sévère »), principalement dans l'enseignement et dans le domaine de la musique religieuse.
      L'accent étant mis désormais non plus sur la conduite des voix, mais sur la structure harmonique, l'harmonie devint aussi, aux XVII
e et XVIIIe s., le fondement de compositions contrapuntiques comme le canon, la fugue, etc. Pour BACH, la basse continue est « le fondement le plus parfait » de la musique.
      Le contrepoint joue aussi un rôle important à l'époque classique. Il apparaît alors essentiellement comme travail thématique, principalement dans le développement des mouvements de forme sonate.
      Le XIX
e s. s'intéressa au contrepoint en raison de son intérêt pour l'histoire (« retour » à PALESTRINA) ; cependant, le développement de la polyphonie chromatique devait finalement conduire à la fin de l'harmonie tonale. Cette fin de la tonalité devait permettre au XXe s. une renaissance de la pensée contrapuntique ; des techniques comme le canon, le renversement, l'augmentation, etc., jouent un rôle important dans les nouvelles techniques sérielles.


     
Théorie de la musique/Harmonie I : accords, cadences


     L'
harmonie traite des accords et de leurs enchaînements dans la musique tonale (donc de 1600 à 1900 environ). Elle repose principalement sur l'accord de 3 sons.
      L'
accord de trois sons se compose d'une fondamentale, d'une quinte et d'une tierce il peut se présenter sous 4 formes :
     —
accord parfait majeur : quinte juste et tierce majeure ;
     —
accord parfait mineur : quinte juste et tierce mineure ;
     —
accord de quinte diminuée : quinte diminuée et tierce mineure ;
     —
accord de quinte augmentée : quinte augmentée et tierce majeure.
      Les notes d'un accord peuvent être redoublées à l'octave ou arpégées sans que soit altérée l'identité de l'accord.
     
Positions : on appelle changement de position une modification dans la disposition des notes d'un accord, lorsqu'elle n'affecte pas la basse de l'accord : peuvent ainsi apparaître, à la partie supérieure, soit la quinte, soit l'octave, soit la tierce de l'accord.
     
Renversements : la note qui est à la basse détermine l'état de l'accord ;

     —
état fondamental : la fondamentale est à la basse ;
     —
1er renversement : la tierce de l'accord est à la basse, la fondamentale forme avec elle un intervalle de sixte, d'où le nom d'accord de sixte (exactement : accord de sixte et tierce) ;
     —
2e renversement : la quinte de l'accord est à la basse, la fondamentale forme avec elle une quarte, la tierce de l'accord, une sixte : d'où le nom d'accord de sixte et quarte.

     
Accords, degrés et fonctions
      Sur chaque degré de la gamme majeure prend place un accord de trois sons :
     —
accord parfait majeur : sur les 3 degrés principaux I, IV, V (notes tonales). Ces degrés sont en relation de quinte. Depuis RAMEAU (1722), chacun d'eux porte un nom désignant sa fonction : tonique (I), dominante (V), sous-dominante (IV) ;
     —
accord parfait mineur : sur les 3 degrés secondaires, qui portent les noms (peu employés) de sus-tonique (II), médiante (III) et sus-dominante (VI) ;
     —
accord de quinte diminuée : sur le VIIe degré (sensible) ; il est fréquemment considéré comme un accord de septième de dominante sans fondamentale.
Les accords suivants apparaissent dans la gamme mineure harmonique :
     —
accord parfait mineur : sur les degrés I (tonique) et IV (sous-dominante) ;
     —
accord parfait majeur : sur le Ve degré (dominante) et le VIe degré ;
     —
accord de quinte diminuée : sur les degrés Il et VII ;
     —
accord de quinte augmentée : sur le degré III.

     
Rapport de quinte : on peut considérer les accords parfaits sur les 3 degrés fondamentaux comme générateurs de la gamme maj. :
Le premier accord parfait constitue les degrés I, III et V, p. ex. : do-mi-sol. L'accord parfait sur la
quinte supérieure (dominante), donne les degrés (V), VII et IX (= II), donc (sol-)si-ré ; avec l'accord parfait sur la quinte inférieure (sous-dominante), on obtient les degrés IV et VI, donc fa et la. Il en va de même pour le mineur.
     
Rapport de tierce : les accords sont liés les uns aux autres par un rapport de tierce, que les fonctions tonales ne peuvent expliquer (certains accords comportent une ou deux notes communes).

     
Cadences : la tonique marque la conclusion. L'enchaînement D-T, lorsque les 2 accords sont à l'état fondamental, porte le nom de cadence parfaite, l'enchaînement SDT celui de cadence plagale (dans les deux cas, il s'agit de cadences conclusives). Un arrêt sur la dominante s'appelle demi-cadence (p. ex. T-D ou SD-D).
      On appelle
cadences rompues ou évitées tous les enchaînements cadentiels dans lesquels l'accord de tonique attendu est remplacé par un autre accord (il s'agit le plus souvent de celui du VIe degré). La cadence complète se compose de l'enchaînement T-SD-D-T (en mineur : t-sd-D-t). Elle renforce le caractère de la tonique comme centre tonal : tension de T à SD (rapport de dominante), tension inverse de D à T.

     
Accords de plus de trois sons : ils sont formés de la combinaison d'une septième avec un accord de 3 sons (accords de septième), d'une neuvième avec un accord de 4 sons (accords de neuvième), etc. Ils peuvent aussi être placés sur tous les degrés.
L'
accord de septième de dominante (accord parfait majeur et septième mineure) est le plus usité des accords de septième ; il a pour fondamentale le Ve degré (D).
Dissonance caractéristique, la septième de dominante se résoud sur la tierce de l'accord de tonique. Les renversements de l'accord de septième de dominante sont désignés d'après le ou les intervalle(s) le(s) plus caractéristique(s) qui les compose(nt).
La
sixte ajoutée est la dissonance caractéristique de la SD : elle transforme l'accord parfait sur le IVe degré en accord de quatre sons, avec fonction de SD (cet accord peut aussi être considéré comme accord de septième sur le IIe degré : la dissonance est alors le do, et non le ré).


     
Théorie de la musique/Harmonie II : accords altérés, modulations


      L'
accord de neuvième de dominante est, de même, le plus usité des accords de 5 sons; il prend place sur le Ve degré : en majeur, la neuvième est majeure, elle est mineure en mineur ; lorsque manque la fondamentale de l'accord de neuvième mineure, il se forme un accord de septième diminuée.
     
Accords altérés. Outre les notes appartenant à la gamme, on peut avoir dans les accords des modifications chromatiques (altérations). Il s'agit toujours de dissonances qui doivent se résoudre par mouvement chromatique conjoint : une note haussée par un dièse tend à monter, une note abaissée par un bémol tend à descendre. La tension et la couleur sont particulièrement fortes dans les accords altérés. Principaux accords (tous relatifs à la tonique do) :
     —
accord de sixte napolitaine presque toujours employé en mineur, il est formé par l'altération descendante du IIe degré (formant sixte avec le IVe degré à la basse) ; l'enchaînement direct sur l'accord de dominante produit un intervalle mélodique de tierce diminuée ;
     —
accords issus de l'altération de la quinte, généralement dans l'accord parfait de la dominante : altération ascendante, altération descendante ;
     —
accord de sixte augmentée : généralement employé en mineur, il est formé par l'altération ascendante du IVe degré (SD altérée), « attiré » par le Ve (D) ; il peut se présenter sous 5 formes différentes : sixte, sixte et quarte, sixte et quinte, tierce et quarte, seconde. Cet accord a généralement la fonction d'une « dominante secondaire » ; la résolution normale de l'accord de sixte augmentée et quinte sur la dominante entraîne deux quintes consécutives (emploi fréquent chez Mozart).
La plupart des accords altérés ont une fonction de dominante. Au XIX
e s., les altérations deviennent de plus en plus complexes et le même accord peut avoir plus d'une signification. Dès lors, la fonction de l'accord altéré s'estompe, et il est bien souvent une libre appogiature chromatique de l'accord suivant.
     
Dominantes secondaires (ou de passage) Les dominantes secondaires se rapportent à un autre accord qu'à celui de tonique. Dans la cadence de base T-SD-D-T p. ex., la tonique peut porter une septième mineure et devenir ainsi dominante de la sous-dominante (mes. 1) ; la dominante de la dominante apparaît souvent après la sous-dommante ou à sa place (mes- 2).

     
Modulations
      Le centre tonal (tonique) peut changer. Si ce changement est très bref, on parlera d'
emprunt ou de modulation passagère ; sinon, il s'agit d'une véritable modulation dans une nouvelle tonalité. Au XVIIIe s., on modulait surtout aux tons voisins de la SD, de la D et du relatif (VIe degré en majeur, IIIe degré en mineur). Depuis l'époque classique, ce domaine s'est étendu.
Il existe de nombreuses sortes de modulations et davantage encore de manières de moduler. Souvent, on utilise un accord pivot, qui appartient aux 2 tonalités, mais avec une fonction différente. Les trois sortes principales de modulations sont :
     — la
modulation diatonique, grâce aux dominantes secondaires, cadences rompues, etc. (de do majeur à fa majeur) ;
     — la
modulation chromatique, grâce à des notes chromatiques communes à l'ancienne et à la nouvelle tonalité : p. ex., grâce à la sixte napolitaine (de do maj. à la b maj.) ;
     — la
modulation enharmonique par modification enharmonique des notes d'accords altérés, et donc grâce au changement de fonction de l'accord. On utilise souvent à cette fin l'accord de septième diminuée (neuvième mineure de dominante sans fondamentale), qui peut se résoudre dans 3 nouvelles directions ; ainsi :
     
si, tierce de l'ancienne dominante sol, devient do b, neuvième mineure d'une nouvelle dominante si b (tonique : mi b) ;
     
la b, neuvième de l'ancienne dominante, devient sol #, tierce d'une nouvelle dominante mi (tonique : la) ;
     
fa, septième de l'ancienne dominante, devient mi #, tierce d'une nouvelle dominante do # (tonique : fa #).
      Ces nouvelles dominantes peuvent se résoudre en majeur ou en mineur.

     
     
Théorie de la musique/Basse continue


     « La basse continue est le fondement entier de la musique, elle se joue avec les deux mains, de telle sorte que la main gauche joue les notes écrites, tandis que la main droite ajoute consonances et dissonances, ce qui produit une harmonie agréable pour la louange de Dieu et le légitime plaisir des sens ; car la seule fin et le seul but de la basse continue, comme de toute musique ne peuvent être que la louange de Dieu et la récréation de l'âme. Lorsque cela est perdu de vue, il ne peut y avoir véritablement de musique, mais seulement des bruits et des cris infernaux » (J.-S. BACH, 1738),

     
Technique de la basse continue. La basse continue est une sorte de sténographie musicale de l'époque baroque. Seule était notée une ligne de basse chiffrée, que l'on complétait par des accords improvisés. Les instruments de basse continue étaient le luth, le théorbe, le clavecin, l'orgue (dans la musique religieuse), etc., auxquels on adjoignait un instrument mélodique : viole de gambe, violoncelle, contrebasse, basson.
     
Basse continue non chiffrée : chaque note de basse non chiffrée supporte un accord parfait appartenant à la gamme. Les notes de l'accord parfait peuvent être doublées, de façon à obtenir dans la pratique des enchaînements satisfaisants.
Aux premiers temps de la basse continue, la basse n'était généralement pas chiffrée : l'harmonie étant relativement simple, l'exécutant devait la trouver lui-même.
     
Chiffrage de la basse continue : les chiffres indiquent les intervalles, comptés à partir de la basse ; l'accord parfait n'est généralement pas chiffré ; certains intervalles sont sous-entendus (tierce dans l'accord de sixte, tierce et quinte dans l'accord de septième, etc.) ; les altérations accidentelles, indiquées par b, #, précèdent ou suivent le chiffre (l'altération seule se rapporte à la tierce).
      accords :
     — accord parfait appartenant à la gamme : pas de chiffre
     — altération de la tierce ;
     — accord de sixte ;
     — accord de sixte et quarte ;
     — accord de septième de dominante ;
     — accord de sixte et quinte ;
     — accord de sixte et quinte diminuée ;
     — accord de tierce et quarte ;
     — accord de sixte sensible ;
     — accord de seconde ;
     — accord de triton ;
     — accord de neuvième ;
     — les chiffres supérieurs à 9 indiquent des positions particulières ;
     — les mouvements des voix (correspondant souvent à des retards) peuvent être indiqués : 4-3, 6-5, 8-7 b ;
     — accord anticipé : trait horizontal avant le chiffre (- 7) ;
     — même chiffrage trait oblique après le chiffre (7/) ;
     — aucun accord : 0 (zéro) ou t.s. (tasto solo, la touche seule).

L'enchaînement des accords doit se conformer aux règles du contrepoint.
Exécution : aux premiers temps de la basse continue, on partageait la réalisation entre les deux mains. Cette pratique fut abandonnée par la suite : dès lors, la main gauche jouait la basse, la main droite réalisant un accompagnement à 3 voix.
On pouvait aussi réaliser une
exécution à 2 ou 3 voix, dans un style contrapuntique rigoureux, ou, au contraire, un jeu en accords très pleins, avec un rythme libre (mes. 2 : acciaccatura).
La basse continue était un accompagnement et devait donc rester à l'arrière-plan. Elle pouvait toutefois être embellie par des ornements, des notes de passages, des arpèges, etc., à condition de ne pas gêner les solistes.

     
Historique de la basse continue
      Au XVI
e s., on réalisa des transcriptions d'œuvres vocales pour le luth, l'orgue, etc. Celles-ci pouvaient servir d'accompagnement, lorsque ces œuvres (des motets, p. ex.) étaient données avec un petit nombre d'exécutants. On se contentait alors des voix principales, et surtout d'une ligne de basse ininterrompue, qui suivait la partie la plus grave. Cette basse pour orgue était appelée basso continua ou seguente, mais aussi basso principale ou generale.
L'apparition de la basse continue est liée à l'émergence, au cours du XVI
e s., d'une pensée harmonique fondée sur l'accord parfait. Elle coïncide aussi avec l'apparition du nouveau style monodique (madrigaux pour soliste, premiers opéras, etc.).
L'usage de la basse continue se généralisa bientôt pendant l'époque baroque (période de la basse continue). Assurant la base harmonique, elle permettait le libre jeu des parties supérieures (style concertant).
À partir du milieu du XVIII
e s., la basse continue perdit de son importance, Trop rigide, elle devenait une gêne pour l'harmonie plus simple de la période pré-classique. Les compositeurs écrivaient à présent les parties intermédiaires.
Au XIX
e et surtout au XXe s., le « retour » à la musique baroque a entraîné des recherches historiques sur la pratique de la basse continue. Les éditions modernes de musique baroque proposent généralement une réalisation de la basse continue pour venir en aide aux exécutants peu familiarisés avec cette musique.

       ( Suite )  





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